Salut
Dans de nombreuses régions autour de Fukushima les sols devront être décontaminés avant d'être de nouveau cultivés. C'est ce qui ressort de deux cartographies des retombées de l'accident nucléaire au Japon.
L’agriculture japonaise sera durablement affectée par l’accident de la centrale nucléaire de Fukushima. Des produits de fission radioactifs ont en effet été projetés dans l’atmosphère lors des explosions en mars dernier, quelques jours après le séisme et le tsunami, et se sont déposés au sol avec les pluies (lire Ils ont tout perdu, deux paysans témoignent). Si l’iode-131 décroit rapidement, le césium-137, lui, contamine les sols pendant plusieurs décennies (sa demi-vie est de 30 ans). Afin de déterminer les régions où les sols sont contaminés, et qui ne peuvent pas être cultivés en l’état, deux équipes publient aujourd’hui des cartes de la distribution des radionucléides dans les régions entourant Fukushima.
L’équipe de Teppei Yasunari (Columbia University, États-Unis) a modélisé les dépôts de césium (C-137) à partir des relevés fournis par les préfectures depuis mars ainsi que des données météorologiques. L’ouest et le nord-ouest du Japon sont peu affectés par la contamination, les chaînes de montagne ayant sans doute fait barrage, observent les chercheurs. L’ensemble de la préfecture de Fukushima est très contaminée par les radionucléides, analysent les chercheurs. Autour de la centrale et à l’est de la préfecture les concentrations de C-137 dans les sols sont supérieures à 1.000 Becquerels par kilogramme (Bq/kg). La limite autorisée par les autorités japonaises pour les sols est de 5.000 Bq/kg pour le césium 134 et le césium 137. En considérant que ce dernier représente la moitié de la contamination, le seuil est de 2.500 Bq/kg. Il a donc toutes les chances d’être dépassé dans de nombreuses zones de la préfecture de Fukushima.
Peau de léopard
Dans les préfectures voisines, comme à Miyagi, Tochigi, et Ibaraki, les concentrations de césium-137 sont plus faibles, mais sont supérieures à 250 Bq/kg dans la plupart des régions. Le seuil limite pourrait être dépassé dans certaines zones. Cette cartographie contient d’importantes marges d’incertitudes, liées aux estimations de radionucléides rejetés par la centrale de Fukushima-Daiichi, et aux dépôts irréguliers au sol en fonction des précipitations. Les valeurs sont des moyennes mais la contamination ressemble en réalité davantage à une peau de léopard, avec des zones très contaminées côtoyant des zones peu contaminées.
Précipitations
Un autre travail de cartographie a été réalisé par l’équipe de Norikazu Kinoshita (Université de Tsukuba, Ibaraki, Japon) à partir de prélèvements d’échantillons de sol dans la préfecture de Fukushima (sauf la zone interdite de 20 km autour de la centrale) et ses voisines, comme Ibaraki et Chiba. Les chercheurs ont cartographié 5 radionucléides (ci-dessus la carte pour C-137) et ont constaté que les pluies du 15 mars et du 21 mars avaient joué un rôle majeur dans la contamination des sols. Les précipitations du 15 mars ont contribué aux dépôts de radionucléides dans la préfecture de Fukushima, avec des concentrations élevées à Iitate et Naka-Dori. Le 21 mars les pluies ont transporté les contaminants jusqu’à Tokyo, et dans les provinces d’Ibaraki, Tochigi, Chiba et Saitama.
Ces deux cartographies, publiées cette semaine dans les Proceedings of the National Academy of Sciences, complètent les cartes établies par les autorités japonaises. Elles sont nécessaires pour prendre les mesures adéquates de décontamination des sols. On sait, notamment depuis l’accident de Tchernobyl en Ukraine, que le césium 137 se fixe sur les argiles et migre très peu dans le sol. Il reste proche de la surface. Analogue du potassium dont les plantes se nourrissent, il est absorbé par les racines. Une des solutions face à des sols contaminés est de les saturer en potassium, pour laisser peu de chances au césium d’être utilisé par les plantes. Autres solutions: araser les sols ou les retourner.
Quant au périmètre interdit autour de la centrale, d'où 80000 habitants ont été évacués, il restera prohibé pendant encore de longueurs années, voire plusieurs décennies.
http://www.sciencesetavenir.fr/crise-nucleaire-au-japon/20111115.OBS4556/fukushima-nouvelle-cartographie-de-la-contamination-des-sols.html