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Une équipe européenne, dont deux chercheurs(1) du LMGEM (Laboratoire de Microbiologie Geochimie Ecologie Marines) (CNRS - Université d'Aix-Marseille II) font partie, a montré pour la première fois que des bactéries vivent dans les milieux parmi les plus salés sur Terre, dans quatre bassins de Méditerranée Orientale, à plus de 3 400 m de profondeur. L'étude, publiée le 7 janvier 2005 dans la revue Science, élargit la famille des extrêmophiles avec cette catégorie de bactéries s'adaptant à des environnements hypersalés, tels que ceux éventuellement présents à l'origine de la vie terrestre ou encore extraterrestre. Ces recherches ont eu lieu dans le cadre du programme européen BioDeep(2).
Au cours de ces 20 dernières années, des fosses profondes (à plus de 3400 m de profondeur), hypersalées (180 à 380 grammes de sel par kilogramme d'eau de mer(3)) et anoxiques (sans oxygène), appelées DHAB (Deep Hypersaline Anoxic Basins)s, ont été découvertes en Méditerranée Orientale. Parmi elles, Bannock, Urania, L'Atalante et Discovery sont regroupées sur la Dorsale Méditerranéenne(4). Ces bassins, qui représentent des environnements marins profonds uniques, contiennent des saumures résultant de la dissolution de dépôts sédimentaires salins produits au cours de la crise de salinité au Messinien (-6 à -5,3 millions d'années). L'exposition de ces dépôts à l'eau de mer, par la suite, a entraîné une dissolution rapide des évaporites, et la constitution de lacs de saumure au fond des dépressions les plus profondes.
Ces 4 fosses, physiquement isolées les unes des autres, présentent chacune des singularités environnementales, indiquant que leurs saumures dérivent d'évaporites de composition différente. Pour Bannock, Urania et L'Atalante, les évaporites étaient constituées essentiellement d'halite ( NaCl, forme minérale du sel ordinaire), si bien que les saumures(5) résultant de leur dissolution peuvent être considérées comme de l'eau de mer concentrée (8 à 12 fois). En outre, les saumures de l'Atalante sont fortement enrichies en potassium ; celles de Bannock en gypse, brome et magnésium ; et de fortes concentrations en éthane, propane et méthane ont été détectées dans Urania. Pour le bassin Discovery, les évaporites étaient majoritairement constituées de bischofite ( MgCl26H2O ), et d'un peu d'halite. À ce jour, Discovery constitue le milieu marin le plus dense(6). Egalement, des infiltrations d'hydrocarbures y ont été mises en évidence.
Ces 4 fosses sont le siège d'activités bactériennes(7), comme l'a montré l'équipe européenne de chercheurs. Les dénombrements des bactéries par microscopie en épifluorescence (
ont permis de détecter jusqu'à 150 000 cellules par mL pour Urania, 78 000 cellules/mL pour L'Atalante, et 47 000 cellules/mL pour Bannock. Dans Discovery, les densités bactériennes atteignent 19 000 cellules par mL... alors que théoriquement, ce bassin est impropre à toute vie à cause des concentrations en MgCl2 proches de la saturation !
Les rapports Bacteria/Archaea, basés sur des études d'hybridation in situ par fluorescence (FISH (Fluorescence In Situ Hybridization)) indiquent que les Bacteria dominent dans Discovery, l'Atalante et Bannock, alors que les Archaea dominent dans Urania. Dans les 4 bassins, la diversité des Bacteria et plus grande que celle des Archaea. L'analyse de la séquence du gène codant pour l'ARN ribosomique 16S a montré la présence de Bacteria (gamma-, delta- et epsilon-Proteobacteria ; Sphingobacteria ; groupe KB1) et d'Archaea (Halobacteria et nouvelle subdivision appelée MSBL1 pour 'Mediterranean Sea Brine Lakes group 1', correspondant à une ramification ancienne au sein des Euryarchaeota, et qui représenterait un nouvel ordre d'Archaea encore non-cultivées).
La communauté microbienne présente dans Discovery apparaît différente de celles trouvées dans les autres bassins, Bannock et l'Atalante hébergeant des communautés plus similaires. Les résultats obtenus par la technique d'ARISA (Automated Ribosomal Intergenic Spacer Analysis) montrent que la communauté bactérienne présente dans les saumures de Discovery est, sans équivoque, différente de celles de l'interface eau de mer/saumure et de l'eau de mer sus-jacente, avec la plupart des séquences des Bacteria, et une partie des séquences des Archaea spécifiques à la saumure.
Source http://www.insu.cnrs.fr/web/article/art.php?art=1362