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Pour parcourir de longues distances en ligne droite, la mouche du vinaigre s'oriente grâce à la polarisation de la lumière naturelle.
Pendant des siècles, les navigateurs ont utilisé le Soleil et les étoiles pour se diriger en mer. La plupart des insectes semblent faire de même. Cependant, ils semblent aussi être capables d'utiliser la polarisation de la lumière diffuse, indiscernable pour l'œil humain. C'est ainsi que des espèces comme le papillon monarque et le criquet maintiennent un cap sur des milliers de kilomètres lors de leur migration, même lorsque le Soleil est couvert et ne peut servir de guide. Deux équipes américaines se sont intéressées au cas de la drosophile ou mouche du vinaigre, qui peut parcourir dix kilomètres à travers le désert, une performance possible seulement si elle vole en ligne droite.
Les biologistes ont montré que, lorsque le Soleil est couvert, la drosophile n'utilise pas de repères dans le paysage pour se diriger, mais une propriété liée à la nature électromagnétique de la lumière : la polarisation, qui caractérise la direction de vibration du champ électrique de l'onde lumineuse. La lumière émise par le Soleil n'est pas polarisée, mais elle le devient lorsqu'elle est réfléchie – par exemple sur la surface d'un lac ou sur une vitre – ou lorsqu'elle est diffusée par les molécules de l'atmosphère. C'est ce dernier phénomène qui permettrait à la drosophile de se diriger.
Pour le montrer, Peter Weir et Michael Dickinson, de l'Université de Washington, ont placé l'insecte dans une arène fermée avec des parois opaques, qui l'empêchent d'utiliser l'environnement pour se repérer. Le dessus de l'arène, transparent, laisse passer la lumière naturellement polarisée. Une longue épingle métallique est collée sur le dos de la drosophile. Suspendue à un aimant, elle maintient sur place la mouche qui bat des ailes. En revanche, la drosophile est libre de tourner sur elle-même pour changer de direction. Lorsque l'arène pivote de 90 degrés, l'épingle, liée à l'aimant, et la mouche tournent du même angle. Les entomologistes ont observé que l'insecte corrige alors le cap pour retrouver sa direction initiale.
Lorsque la même expérience est réalisée dans le noir ou en brouillant la polarisation de la lumière, la drosophile ne corrige pas sa direction après une rotation. Les chercheurs en concluent que la mouche utilise effectivement la polarisation de la lumière naturelle pour se guider.
Une autre étude, menée par Mathias Wernet et Thomas Clandinin, de l'Université Stanford, montre que les yeux des drosophiles distinguent différentes sources de lumière polarisée grâce à différents récepteurs. Dans une toute petite partie à la marge supérieure de la rétine, des photorécepteurs spécialisés perçoivent la lumière polarisée provenant de la diffusion atmosphérique, tandis que des récepteurs qui restent à identifier dans la partie ventrale de la rétine détectent la lumière polarisée par réflexion sur des plans d'eau ou la végétation. Ces derniers récepteurs sont d'ailleurs sensibles à une gamme différente de longueurs d'onde : ils sont plus sensibles à la lumière bleue et verte que ceux de la partie haute de l'œil et servent à prévenir la mouche que, par exemple, elle va se poser sur une plante ou sur l'eau.
Ces résultats renforcent l'idée que la plupart des insectes sont capables de s'orienter grâce à la lumière polarisée. Mais pourquoi la drosophile a-t-elle besoin de se diriger dans une direction donnée ? Contrairement au papillon monarque et au criquet, la drosophile n'est pas un insecte migrateur et ne semble donc pas avoir besoin de maintenir un cap sur de longues distances. Cependant, quand la mouche se trouve dans une zone pauvre en ressources, elle a intérêt, pour économiser son énergie, à se fixer un cap et s'y tenir pour chercher une nouvelle région, sans faire des détours qui pourraient la ramener à son point de départ.
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