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Une étude détaillée de la galaxie des Chiens de Chasse (M 51), réalisée grâce aux radiotélescopes de l’Institut de Radioastronomie Millimétrique (IRAM)1, a complètement bouleversé les théories prédominantes à propos des propriétés des nuages moléculaires géants. L’étude novatrice, appelée PAWS2, au cours de laquelle 1500 nuages moléculaires ont été observés, montre que ces nuages moléculaires se trouvent en fait entourés d'une brume d’hydrogène moléculaire beaucoup plus dense que supposait auparavant. Cette brume est présente dans l’ensemble du disque galactique. La pression exercée par cette brume se révèle être l’élément déterminant pour la formation stellaire au sein des nuages moléculaires. Les résultats sont publiés dans The Astrophysical Journal le 10 décembre 2013.
La plupart des étoiles de notre galaxie naissent au sein de nuages moléculaires géants – des amas d’hydrogène qui ont entre un millier et plusieurs millions de fois la masse du Soleil. Quand une partie d’un tel nuage s’effondre sous sa propre gravité, elle se contracte jusqu'au moment où la pression et la température sont assez élevées pour que les réactions de fusion nucléaire se mettent en route : une nouvelle étoile est née.
Pour la première fois, l’étude PAWS, met en question cette théorie classique sur la naissance des étoiles. Dans la ligne de mire des astronomes : la galaxie des Chiens de Chasse (M51) à une distance de plus de 23 millions d’années lumière de la Terre. Durant les quatre années de PAWS, les chercheurs ont obtenu la carte la plus complète jamais produite des nuages moléculaires géants dans une galaxie spirale semblable à notre Voie Lactée. L’image ainsi obtenue est très différente de ce que les astronomes attendaient.
D’ordinaire, les nuages moléculaires géants (qui constituent les réserves de gaz moléculaire d'une galaxie) sont représentés en tant qu’objets isolés du milieu interstellaire. Mais l’étude PAWS montre que 50% de l’hydrogène moléculaire se trouve à l’extérieur des nuages, dans une brume diffuse qui englobe l'ensemble de la galaxie. Cette brume gazeuse joue un rôle important dans la formation des étoiles au sein des bras spiraux d’une galaxie qui se déplacent lentement au sein de cette galaxie, tels de petites vagues à la surface d’un lac – et au sein desquels la densité d’étoiles et du gaz est supérieure au reste du disque galactique. Les astronomes ont pu constater que les interactions entre les nuages, le brouillard et la structure de la galaxie semblent être la clé pour comprendre pourquoi les étoiles se forment ou non au sein de certains nuages. Lorsque les nuages moléculaires contenus dans les bras spiraux se déplacent dans cette brume moléculaire, ils ressentent une pression réduite, conformément au principe de Bernoulli, utilisé pour créer du vide avec des pompes à eau. La réduction de la pression externe empêche l'effondrement de ces nuages sous forme d'étoiles.
La pression exercée par le brouillard sur les nuages moléculaires géants joue ainsi un rôle primordial dans la formation stellaire. La théorie courante selon laquelle seule la densité au sein d’un nuage moléculaire est responsable de la formation des étoiles doit être révisée. En effet, les bras spiraux d’une galaxie par exemple sont traditionnellement associés aux régions de surdensité où règne l'activité de formation stellaire principale. Cependant, l’étude menée par Eva Schinnerer et son équipe ne constate qu’une très faible activité de formation stellaire dans deux grandes portions des bras spiraux de la galaxie des Chiens de Chasse. Ils expliquent cette découverte par la réduction de pression externe que les nuages ressentent lorsqu'ils se déplacent dans le brouillard diffus.
Même si les astronomes n’ont pour l’instant étudié que la galaxie des Chiens de Chasse en détail, ceux-ci ont déjà d’autres candidates pour généraliser leurs travaux. Pour cela, les chercheurs utiliseront à la fois le projet NOEMA, formidable amélioration des capacités de l’observatoire du Plateau de Bure et d'autre part ALMA, l’interféromètre de l’ESO-NAOJ-NRAO au Chili3. Ces deux observatoires permettront des études encore plus détaillées des galaxies lointaines.
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