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Voilà dix ans que les quatre satellites de la mission Cluster étudient l'interaction entre le vent solaire et le champ magnétique terrestre. Philippe Escoubet, responsable scientifique de la mission, revient sur les avancées considérables offertes par cette mission, qui apportent un nouvel éclairage sur la magnétosphère, les aurores boréales et le vent solaire.
Les récentes avancées scientifiques permises par la mission Cluster vont être débattues par près de 200 chercheurs au cours d’une grande conférence internationale célébrant son 10e anniversaire. C'est en effet en 2000 que l'Esa (Agence spatiale européenne) a lancé une mission ambitieuse pour observer et comprendre les interactions entre les particules du Soleil et le champ magnétique de la Terre. Cette mission comprend quatre satellites identiques construits par Astrium qui volent en formation tétraèdrique autour de la Terre pour explorer le vent solaire et son impact sur l’environnement magnétique terrestre.
Comme nous l’explique Philippe Escoubet, responsable scientifique de la misson Cluster à l'Esa, « le vent solaire est un flux continu de particules composé principalement de protons et d’électrons » ressenti dans tout le Système solaire. La Terre est protégée du vent solaire par son « champ magnétique interne qui entoure la planète dans une zone appelée la magnétosphère ». Ce bouclier naturel empêche également le vent solaire de balayer l’atmosphère terrestre dans l’espace, comme c’est arrivé il y a plusieurs milliards d’années sur la planète Mars. Cependant, ce bouclier « n’est pas parfait ». Des failles existent notamment au niveau des pôles où « les lignes de champ magnétique sont ouvertes » de sorte que les particules du vent solaire provoquent des aurores polaires lorsqu'elles pénètrent dans l'atmosphère terrestre.
Pour les chercheurs, « Cluster a permis d’améliorer nos modèles ». Aujourd’hui on « comprend mieux la complexité de l’interaction entre le Soleil et la Terre » au niveau de l'exosphère que du champ magnétique terrestre. Mais ce n’est pas suffisant. « On a encore besoin d’améliorer ces modèles », de façon à mieux prévoir l’impact de l’activité solaire sur l’environnement magnétique terrestre « qui produit une gamme de phénomènes, notamment les aurores et les tempêtes géomagnétiques ». Ces dernières peuvent endommager les satellites, perturber les communications à l'échelle de la planète et surcharger les réseaux d'énergie électrique.
Le champ magnétique de la Terre : bouclier contre le vent solaire
Lorsqu’il atteint sa plus forte intensité, le vent solaire « modifie le champ magnétique et le comprime de telle sorte que son volume diminue ». Pour la vie sur Terre, l’impact est sans conséquence mais pour les satellites géostationnaires « la situation peut devenir critique ». En direction du Soleil, la magnétosphère s’étend sur environ 60.000 kilomètres mais peut diminuer de moitié. Ces satellites évoluent à près de 36.000 kilomètres d’altitude. Ils peuvent donc se trouver pendant quelques heures en dehors de la magnétosphère et subir des « dommages plus ou moins importants ». De plus, les protons peuvent diminuer de façon temporaire la puissance des panneaux solaires et la mémoire en corrompant les données. Quant aux électrons, ils pénètrent plus en profondeur dans le satellite et peuvent toucher des composants très importants, comme le processeur central. C’est peut-être ce qui est arrivé au satellite Galaxy 15 dont le contact a été perdu en avril dernier.
La première carte en 3D du centre de reconnexion magnétique, « mécanisme intervenant dans la quasi-totalité de l’Univers », constitue sans doute « l’un des acquis les plus importants de la mission ». Ce processus intervient lorsque des champs magnétiques entrent en collision, libérant de l’énergie et permettant ainsi aux plasmas de gaz électriquement chargés (et auparavant séparés) de se combiner. C’est au centre de ce phénomène que se situe le point zéro.
Dressée grâce à la mission Cluster, la première carte en 3D de ces points zéro représente pour les scientifiques « une source d’information capitale » afin de modéliser ce phénomène complexe dont la compréhension « est une question essentielle de la physique moderne ». À titre d’exemple, ce processus physique est responsable des éruptions solaires, autrement dit des énormes explosions qui se produisent dans l’atmosphère solaire et dont la puissance peut être un milliard de fois supérieure à celle d’une bombe atomique. Sur Terre, ce mécanisme physique est l’un des freins à l’obtention d’une fusion nucléaire contrôlée dans un tokamak, telle que celle recherchée par le projet Iter. L’étude de ce processus physique en milieu naturel est un élément essentiel à sa compréhension.
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