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Pour se déplacer dans les neurones, les vésicules synaptiques produisent elles-mêmes l’énergie dont elles ont besoin, indépendamment des mitochondries.
Les mitochondries ne seraient pas les seuls compartiments cellulaires à produire de l’énergie dans les neurones : de minuscules vésicules, les vésicules synaptiques, porteraient leur propre machinerie de production énergétique. Cela leur permettrait de se déplacer d’un bout à l’autre des axones, ces longs prolongements qui transmettent les signaux électriques vers d’autres neurones. Diana Zala et Frédéric Saudou, du laboratoire Signalisation, neurobiologie et cancer (Institut Curie/CNRS/INSERM) de l’Institut Curie, à Orsay, et leurs collègues sont arrivés à cette conclusion en étudiant de plus près le mouvement de ces vésicules.
Dans les neurones, la principale source d’énergie est le glucose. Celui-ci fournit de l’énergie aux cellules en deux étapes, sous la forme de molécules d’adénosine triphosphate (ATP). D’abord, dans le milieu intracellulaire (le cytoplasme), le glucose est converti par glycolyse en pyruvate, ce qui libère un peu d’énergie (deux molécules d’ATP par molécule de glucose). Puis, au sein des mitochondries, le pyruvate est dégradé, ce qui produit la majeure partie de l’énergie utilisée par les neurones : 34 molécules d’ATP par molécule de glucose initiale. Toutefois, les mitochondries sont rares dans les axones. Sont-elles capables de fournir en ATP les vésicules synaptiques tout au long de leur voyage ?
Qu’on en juge : pour alimenter les zones synaptiques en diverses protéines nécessaires à leur fonctionnement, ces vésicules de quelques dizaines de nanomètres parcourent à grande vitesse des axones mesurant de un millimètre à plus d’un mètre de long. Or le moyen de locomotion des vésicules, bien connu, ne consomme pas moins d’une molécule d’ATP tous les… huit nanomètres : les vésicules sont transportées sur de longs filaments, les microtubules, par des moteurs moléculaires, des protéines qui transforment l’énergie chimique fournie par l’ATP en énergie mécanique. Comment le neurone fournit-il continûment cette énergie aux moteurs moléculaires ancrés dans les vésicules ?
Diana Zala et ses collègues ont tout d’abord montré que les mitochondries ne jouent aucun rôle dans le mouvement des vésicules synaptiques : dans des neurones de rat en culture, l’inhibition de la production énergétique des mitochondries n’a pas d’incidence sur leur déplacement. En revanche, leur transport est perturbé lorsque l’on bloque une enzyme clef de la glycolyse, GAPDH. L’énergie des vésicules serait-elle uniquement fournie par la glycolyse cytoplasmique ? Pas seulement. En purifiant des vésicules synaptiques à partir de cerveaux de souris, les neurobiologistes se sont aperçus que l’enzyme, bien que principalement sous forme soluble dans le cytoplasme des neurones, est aussi présente à la surface des vésicules, et qu’elle y produit de l’ATP. Mieux, c’est la glycolyse présente sur les vésicules qui fournit l’énergie du transport, et non celle qui a lieu dans le cytoplasme.
Les biologistes n’étaient pas au bout de leurs surprises. Recherchant comment GAPDH se fixe sur les vésicules, ils ont montré que sa liaison est assurée par la protéine huntingtine, une protéine impliquée dans une maladie neurodégénérative rare, la maladie de Huntington. Cette maladie, qui touche une personne sur 10 000 et pour laquelle il n’existe encore aucun traitement résulte d'un anomalie du gène codant la huntingtine, qui entraîne la malformation de celle-ci. Cependant, on connaît mal le mécanisme de la maladie. Les symptômes – troubles mentaux, détérioration intellectuelle, mouvements involontaires – seraient-ils liés à une perturbation de la source d’énergie embarquée sur les vésicules synaptiques ? Affaire à suivre…
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