Une équipe du laboratoire d’aérologie (LA/OMP, CNRS / UPS), en collaboration avec une équipe du Laboratoire atmosphères, milieux, observations spatiales (LATMOS/IPSL, CNRS / UVSQ / UPMC) et une équipe de l’Université McGill de Montréal, a mis en évidence l’effet des poussières désertiques sur la dépression thermique qui se forme en été sur le Sahara. Cette dépression joue un rôle central dans le régime de mousson au Sahel.
Savoir prédire les pluies de mousson au Sahel est un enjeu crucial de la météorologie. En effet, depuis quelques dizaines d’années, le Sahel subit des variations prononcées de sa mousson avec l'apparition d'années d’extrêmes sècheresses aux conséquences souvent catastrophiques pour les récoltes. Un des principaux moteurs de ce régime de mousson est la dépression thermique(1) qui se développe en été au Sahara en raison du très fort éclairement solaire. Parmi les facteurs qui influencent cette dépression, et donc la dynamique atmosphérique, les poussières désertiques figurent en bonne place : elles absorbent en partie le rayonnement solaire et ce faisant se réchauffent, réchauffant l’air et contribuant ainsi à épaissir la dépression et donc à augmenter son intensité.
Pour étudier l’influence des poussières sur la dépression thermique, les chercheurs se sont intéressés à un épisode de quelques jours (période du 14 au 20 juillet 2006) étudié lors de la campagne du programme international d’Analyses multidisciplinaires de la mousson africaine (AMMA). Cet épisode se distingue en effet par de fortes variations d’épaisseur de la dépression associées à la présence d’importantes quantités de poussières au-dessus du Sahara et à l’apparition de pluies au Sahel en début et fin de période.
Pour simuler cet épisode, les chercheurs ont utilisé le modèle météorologique MESO-NH. Trois simulations ont été réalisées : une simulation de référence, sans présence de poussières ; une simulation en présence de poussières, mais imposant à ces poussières une concentration constante dans le temps ; et une simulation prédisant le cycle des poussières (arrachage, déplacement, dépôt) et donc l’évolution au cours du temps de leurs concentrations. Ces trois simulations reproduisent de manière globale l’épaississement suivi de l’amincissement de la dépression thermique. On pourrait en conclure que les poussières désertiques ne jouent qu’un rôle secondaire dans ces variations, le rôle principal revenant à la circulation générale atmosphérique. Toutefois, la simulation avec concentrations réelles de poussières prédit un épaississement de la dépression thermique plus prononcé et plus proche des observations que les deux autres. Elle prédit également que ce renforcement de la dépression s’accompagne d’une amplification de l’alternance des circulations méridiennes(2) d’air chaud et sec et d'air froid et humide, cette augmentation de la circulation atmosphérique régionale provoquant alors une augmentation des pluies au Sahel, jusqu’à 30 %, en début et fin d’épisode.
Ainsi, cette série de modélisations démontre qu’il existe une relation directe entre l’épisode de fortes poussières et l’augmentation de la pluviométrie au Sahel en début et fin d’épisode observés en juillet 2006.
À terme, ce type de recherches permettra une meilleure prévisibilité du régime de mousson au Sahel et donc une amélioration de la gestion de l’eau de cette région semi-aride.
http://www.insu.cnrs.fr/co/environnement/atmosphere/influence-des-poussieres-desertiques-sur-la-mousson-au-sahel