Salut
Le Japon participe depuis plusieurs années aux activités de la Station Spatiale Internationale (ISS) et dispose d'un groupe d'astronautes qui effectuent régulièrement des séjours orbitaux en partant avec les navettes américaines (et depuis très récemment avec les vaisseaux russes Soyouz). Pourtant le débat sur la nécessité de développer des capacités nationales de vol habité n'a jamais vraiment été initié jusqu'à présent. Les documents de référence de la politique spatiale nipponne proscrivaient en effet l'idée d'un programme de vol habité japonais avant 2010. Mais le passage de ce cap permet dorénavant aux ingénieurs, qui s'étaient longtemps abstenus de réfléchir sur cette thématique, de faire de nouvelles propositions aux décideurs japonais. Récemment, le think-tank japonais "Sora no kai" a publié une série d'articles qui exposent les travaux de la JAXA sur ce que pourrait être un programme japonais de vol habité. Ces articles sont centrés autour des études réalisées depuis trois ans par M. IMADA, un ingénieur de la JAXA travaillant dans l'équipe projet du HTV (le cargo automatisé de ravitaillement de la Station Spatiale Internationale).
Les derniers succès du Japon ont amélioré la confiance des ingénieurs nippons vis-à-vis de leur technologie. L'année 2009 aura été une année charnière pour la JAXA, qui a pu démontrer à plusieurs reprises la maturité de sa technologie avec le succès de la mission du premier cargo HTV et avec l'installation du laboratoire orbital Kibo sur l'ISS. Ces réussites ont montré que le Japon possède certaines briques technologiques sur lesquelles pourraient se bâtir un programme japonais de vol habité. Pourtant le Japon reste réaliste sur ses capacités de financement. L'auteur admet que l'option la plus crédible serait de se limiter à des activités en orbite basse, car les missions habitées lunaires induiraient des coûts largement au-delà des possibilités budgétaires actuelles.
M. IMADA introduit dans ses articles un programme de vol habité basé principalement sur l'utilisation d'un modèle "qualifié vol humain" de la fusée H-IIB et d'un cargo HTV modifié. L'auteur mentionne que le cargo HTV est déjà en grande partie conforme aux normes de vol habité puisqu'il est capable de se connecter à un sas de la Station et que les astronautes peuvent y pénétrer sans scaphandre. Dans le cadre du programme envisagé, il resterait cependant à développer entièrement deux nouveaux systèmes essentiels : une capsule permettant aux astronautes de revenir sur Terre et une tour de sauvetage permettant d'éjecter cette capsule au décollage en cas d'anomalie critique. La charge orbitale envoyée dans l'espace lors des premières missions serait composée de trois modules : un module de service (comprenant les systèmes d'alimentation électrique et de propulsion orbitale), une capsule de retour (avec le bouclier thermique de rentrée atmosphérique, et dans lequel les astronautes sont assis durant les phases de lancement et de rentrée) et un module d'habitation (utilisé par les astronautes lors de leur séjour orbital). La masse finale de ce vaisseau est estimée 16,8 tonnes en incluant la tour de sauvetage (3 tonnes). Le système permettrait de lancer trois ou quatre astronautes en orbite. L'agencement proposé placerait de haut en bas le module de retour, le module de service et le module d'habitation. De cette manière, la masse à éjecter en cas de problème au décollage ou avant l'arrivée en orbite se limite aux deux premiers modules et simplifie les mesures d'urgence. Cette configuration permet aussi d'envisager plus facilement les évolutions futures du système, si l'on souhaite par exemple augmenter le volume de la capsule d'habitation. En revanche, cette configuration requiert d'effectuer un "demi-tour" une fois en orbite, afin de connecter le module de retour au module d'habitat. Selon la JAXA, cette opération serait réalisée en orbite en faisant pivoter les deux premiers modules autour de deux bras mécaniques (voir illustration ci-dessous). Le retour de la mission s'effectuerait en mer, dans l'Océan Pacifique. Les segments non réutilisés retomberaient en mer aux alentours d'Hawaï, et les astronautes seraient récupérés au large de la péninsule de Bousou (préfecture de Chiba). Afin de simplifier la récupération du module de retour, l'auteur n'exclut pas totalement une récupération sur le territoire australien.
Avant de réaliser cette mission, M. IMADA prévoit quatre vols de démonstration qui n'emporteront pas d'astronautes et dont certains pourront être réalisés avec la fusée H-IIA. Le premier vol testera la phase de rentrée et de récupération en mer. Le second vol de démonstration testera la tour de sauvetage. Le troisième vol testera lui les fonctions associées à la survie des astronautes, comme la protection thermique ou les systèmes de secours. Le quatrième et dernier vol de démonstration permettra de vérifier toutes les fonctionnalités nécessaires pour le séjour orbital.
La publication de ces études montre donc que Japon semble moins réticent à débattre de manière ouverte d'un potentiel programme de vol habité indépendant. Pourtant il serait très prématuré de conclure que la JAXA concrétisera les travaux présentés dans cet article. Au-delà de ces études théoriques, rien pour l'instant ne laisse présager que les décideurs japonais s'engageront dans ces développements. La prochaine grande étape, qui pourrait valider cette décision, sera la publication du prochain Plan Spatial en 2014.
http://www.bulletins-electroniques.com/actualites/62595.htm
Jeu 25 Mar - 8:51