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Une équipe de chercheurs du Laboratoire de microbiologie, de géochimie et d'écologie marines (LMGEM/COM, Université Aix-Marseille 2 / CNRS) vient de démontrer l'existence d'un biais dans la détermination des températures passées des eaux océaniques de surface par la méthode du dosage des alcénones dans les sédiments marins. Cette méthode repose en effet sur la très grande stabilité chimique de ces molécules, laquelle est remise en cause par ces travaux : certaines bactéries marines aérobies seraient en effet capables de dégrader sélectivement ces composés.
Un des enjeux majeurs dans l'étude des climats passés est de déterminer les températures avec la plus grande précision possible. Une bonne estimation de ces paléotempératures permettra non seulement de mieux comprendre les changements climatiques qui ont affecté la Terre dans le passé, mais également de mieux appréhender les changements futurs des températures et leur impact sur la biosphère terrestre et marine. Comme la glace des calottes polaires, les sédiments marins qui se sont accumulés au cours du temps constituent des archives naturelles de ces variations passées du climat.
Dans le milieu des années 80, des chercheurs ont découvert dans les sédiments marins des molécules chimiques très résistantes, les alcénones. Ces molécules sont produites dans les eaux de surface par certaines algues phytoplanctoniques, puis entraînées vers les fonds océaniques pour être finalement stockées dans les sédiments. Leur dosage dans les échantillons de sédiments permet de déterminer la température de l'eau de mer qui régnait en surface à l'époque de leur synthèse. La découverte de ces alcénones et de leur application en tant que paléothermomètre, qui s'est avérée une bonne solution alternative aux méthodes classiques utilisées jusque-là mais fournissant parfois des données erronées (assemblages faunistiques, isotopes de l'oxygène dans les foraminifères, etc.), a révolutionné la recherche paléoclimatique. Depuis lors, les paléotempératures sont estimées sur la base de la très grande résistance chimique de ces molécules dont on suppose qu'elles ne subissent pas de processus de dégradation.
Cependant, plusieurs études menées dans les années 2000, notamment par des chercheurs du LMGEM, ont mis en évidence l'existence de processus de dégradation abiotiques et biotiques de ces molécules pouvant modifier le signal climatique enregistré. De quoi semer le doute quant à l'exactitude des températures de surface déterminées à partir de ces paléomarqueurs !
Les chercheurs du LMGEM ont donc poursuivi dans cette voie. Travaillant avec des cellules de l'algue phytoplanctonique Emiliania huxleyi, ils ont pu récemment isoler au laboratoire diverses souches bactériennes capables de dégrader ces alcènones. Ils ont pu ainsi démontrer l'existence de bactéries aérobies (telle Dietzia maris sp. S1) capables de dégrader préférentiellement les alcènones tri-insaturées et donc d'induire des biais significatifs lors des estimations de paléotempératures, ces biais pouvant aller jusqu'à une surestimation de 3°C lors d'incubation de cellules d'E. huxleyi à l'obscurité.
L'analyse de sédiments prélevés dans l'océan Pacifique leur a ensuite permis de confirmer l'importance de la prise en compte de ces processus bactériens lors de l'estimation des températures, dont la surestimation peut là encore atteindre les 3°C.
Enfin, l'analyse de sédiments prélevés dans diverses zones océanographiques (mer Noire, Alaska, Pacifique équatorial, upwelling du Pérou...) leur a permis également de démontrer le caractère ubiquiste de ces bactéries dans l'environnement marin, remettant ainsi en cause la validité de certaines estimations de paléotempératures, notamment dans des sédiments très oxygénés.
Ces chercheurs vont naturellement poursuivre leurs travaux, afin de pouvoir proposer une correction des biais induits par les processus de dégradation bactérienne aérobie lors des estimations de paléotempératures basées sur les alcènones et améliorer ainsi la reconstruction des environnements passés.
http://www.insu.cnrs.fr/a3645,vers-meilleure-estimation-temperatures-passees-eaux-surface-oceans.html
Ven 10 Déc - 14:15